Présentation
Quand le gouverneur Charles Houël, débarque en Basse Terre pour y implanter la première colonie autour de Rivière-Sens, les religieux de l’ordre des Carmes le suivent de près. Ces missionnaires ont pris la mer comme aumôniers des marchands qui viennent trafiquer aux îles auprès de qui ils ont vécu mille péripéties avant d’arriver en baie des galions.
Très mal reçus par le Père Breton et les Dominicains qui y sont déjà établis et qui voient arriver avec un brin de méfiance ces « concurrents », Ils sont par contre accueillis à bras ouverts par Houël. Il leur promet la fondation de l’église qu’il fait construire sur le port, s’engage à y ajouter un couvent tout près et sur les hauteurs de Basse-Terre, 100 arpents de terre arrosés d’une rivière et 6 esclaves. Cerise sur le gâteau, il les exempte de tout impôt! Tel un évêque, dont il proclame avoir d’ailleurs l’autorité, il distribue églises et chapelles mais seulement à qui se soumet à son autorité et toujours pour peu de temps !
C’est ainsi que très rapidement la brouille s’installe et Houël, personnage assez colérique, fait appel aux Jésuites. Il les dotent « royalement » et leur concèdent des terres à la montagne Saint-Charles où ils vont établir l’Habitation Bisdary. Tout aussi promptement, les missions religieuses sont réparties par l’autorité du gouverneur. Les carmes seront les curés des blancs, les jésuites ceux des noirs des quartiers qui s’étendent depuis la rivière des Pères jusqu’à la rivière du Dos-d’Âne. Nos Carmes qui n’ont pas le tempérament d’ardents agriculteurs, se plaignent rapidement de disposer d’une surface trop faible pour être rentable et leur situation proche de Basse-Terre et enclavée dans d’autres propriétés, devient rapidement source de nombreuses querelles avec les voisins.
Les religieux qui aspirent à retrouver un peu de sérénité, rachètent l’Habitation de Dolé sur les hauteurs de Dos D’Âne, l’ancien dénomination de Gourbeyre. Ils y occupent bientôt sur les flancs du plateau onze hectares de terre. Leur couvent dont il ne reste rien aujourd’hui, était une merveille par le panorama qu’il offrait ; une enfilade de mornes, la cuvette du Palmiste, des cascades vertigineuses et vers la mer, le déploiement des Saintes. Un havre de paix et de sérénité !
Plus près de la mer et des facilités d’embarquement, les jésuites, grands propriétaires d’habitations et d’esclaves, prospèrent. Leurs terres sont désormais défrichées, 2 sucreries tournent à plein régime sur la montagne Saint Charles, une à Bisdary, la seconde à Dom Bosco et leur habitation est une des plus belles du territoire. Plus de 300 esclaves y travaillent pour cultiver la canne à sucre, le manioc et la café. Il paraitrait même qu’on retrouve caché sous la végétation, un chemin dallé qui relayait les sucreries et facilitait le transport des boucauds jusqu’à Rivière-Sens.
En 1664, la présence religieuse se renforce avec l’arrivée des frères de Saint-Jean de Dieu ou frères de la Charité. C’est un ordre hospitalier qui vient au secours des pauvres et des malades et dont les missionnaires exercent parfois des fonctions d’infirmiers, d’apothicaires, de chirurgiens… ; Ils s’installent sur l’habitation Saint-Charles sur les extra muros de Basse-Terre qui font aujourd’hui partie de la commune de Gourbeyre et ne tardent pas à la transformer en sucrerie. Elle comprend aussi des terres sur le plateau des Palmistes et au lieu-dit le Grand Camp, qui seront ensuite données en concession pour y planter des caféiers. Ayant reçu cette donation du gouverneur Hencelin de Morache à la condition d’ouvrir une quinzaine de lits pour les plus démunis, l’habitation prend le nom d’hôpital. Elle deviendra, bien des années plus tard, une maison de retraite pour les «nègres du roi». Ces derniers ont un statut particulier car ils ont servi la colonie dans les habitations qui sont passées dans le domaine national.
En effet, les possessions, terres et main-d’œuvre, des Habitations de Gourbeyre deviennent si importants, qu’ils font l’objet de critiques sévères de la part des laïques, suscitent des jalousies et soulèvent des protestations, notamment parce que les religieux bénéficient d'un régime fiscal très avantageux. C’est une des raisons qui incite le Roi à mettre fin à cet apostolat missionnaire. Les Habitations passent donc dans le domaine de la colonie dans un premier temps, puis deviennent, après la révolution, propriété de l’Etat.
Si vous regardez une carte de la commune de Gourbeyre aujourd’hui, vous pouvez facilement vous rendre compte que le territoire communal a été circonscrit sur les limites des anciennes habitations: Dolé à l’est pris sur les terres de Trois Rivières, Le Palmiste et Saint Charles au nord et à l’ouest, qui correspondent aux terres des Habitations Saint-Charles et Bisdary et faisaient partie des extra muros de Basse-Terre, Le Houëlmont au sud , terres des jésuites, et Rivière-Sens berceau de Gourbeyre et ouverture sur la mer des caraïbes par où tout a commencé.