Présentation
Soupe, plat unique, repas de fête à partager en famille et entre amis, le bouillon d’awara est, en Guyane, une institution. Consommé pendant les fêtes pascales il est à la fois unique et multiple car chacun garde jalousement ses secrets de fabrication. D’une table à l’autre, son goût varie en fonction des petites touches personnelles. On dit aussi de lui que tous ceux qui un jour y goûtent, toujours en Guyane reviendront.
Palmier épineux au tronc élancé, l’awara est une plante typique de notre région. Très commun en Guyane, il pousse en forêt, se retrouve dans certains vergers ou jardin, mais ne fait pas l’objet de culture intensive. Ceux qui se promènent en forêt savent qu’il faut mieux se méfier de ce palmier. Extrêmement acérées ses épines, longues de 5 à 10 cm, ont tendance, quand on a le malheur de poser malencontreusement sa main sur son tronc, à se briser sous la peau. Difficile ensuite de les extirper.
L’awara présente un tronc qui peut atteindre 5 mètres de hauteur pour un diamètre de 10 à 15 cm. Terminé par un grand faisceau de feuilles, il porte en son extrémité un bourgeon unique. Les fruits se présentent sous forme de grappe. De la grosseur d’une balle de ping pong, ils sont composés d’un noyau entouré d’un péricarpe orangé C’est ce péricarpe qui est comestible et qui entre dans la fabrication notamment de la pâte d’awara.
Dans l’awara tout est bon : les feuilles, très fibreuses peuvent servir de base à un textile très résistant. Elles sont aussi utilisées pour la fabrication de balais, de chapeaux ou de diverses vanneries. Le tronc, également appelé stipe, très dur et très fibreux, est quelquefois choisi pour la construction de charpente de carbet. En pharmacopée traditionnelle, les racines sont conseillées pour leurs vertus dépuratives. Enfin, le bourgeon terminal, plus communément appelé chou awara, se prépare en salade. De l’amande, contenue dans le noyau, on extrait une substance très adoucissante, le « tcho-tcho », administrée en friction sur les personnes fiévreuses, ou souffrant de rhumatismes. Compte tenu des sa richesse en vitamine A, l’awara peut aussi être prescrit contre les troubles visuels.
Mais, ce qui fait son intérêt, c’est bien sûr son fruit, une graine orangée à la pulpe gorgée d’huile. C’est lui qui est transformé en pâte d’awara, base du fameux bouillon ou d’une huile de table très fine. La récolte des fruits s’étale de juin à mars et la préparation de la pâte se fait quelques semaines avec le week-end de Pâques.
La recette consiste à cuisiner ensemble de nombreux légumes (épinards, aubergines, haricots verts, concombres piquants, concombres longes, massicis, carottes, céleris, choux, piment…), diverses viandes (jambon cru salé, lard fumé, bœuf salé, poulet boucané, groin et queue de cochon…), de la morue, des crevettes, des crabes… et bien sûr de la pâte d’awara. Mais chaque cuisinière, chaque cuisinier a son propre avis quant à la façon de concocter cette soupe. Selon les familles, les saveurs de ce « plat national » varient. Les secrets sont jalousement gardés et se transmettent de génération en génération. Servi avec du riz, il fait les délices des tablées guyanaises en ces périodes festives qui vont de Pâques à la Pentecôte.
Le bouillon d’awara, une potion magique ? Qui sait si, en effet, ses vertus ne vont bien au-delà d’un simple plaisir gustatif. Car il est dit ici, en Guyane, que tous qui y ont goûté une seule fois, sont toujours revenus.
Recette pour environ 8 personnes :
Ingrédients :
Pâte d’awara : 2,5 kg
Épinards : 1 kg
Haricots verts : 1 kg
Concombres longes : 1 petit
Concombres piquant s: 1,5 kg
Queue de porc : 1 kg
Lard fumé : 250 gr
Viande salée : 500 gr
Poulet fumé : 1 kg et demi
Poisson fumé : 1 kg
Crevettes : 1 kg
Oignons, ail, poivre, ciboule, sel, 1 petit piment
Laver les légumes, les nettoyer et les couper en petits morceaux. Mettre le tout dans une marmite, idéalement sur un feu de bois, et porter à ébullition pendant au moins 2 h. Ajouter la pâte d’awara, bien mélanger le tout et laisser mijoter à feu doux pendant 1 h.
Ajouter les queues de porc, la viande salée, le lard fumé (déjà dessalé et prédécoupé). Laisser encore mijoter à feu doux encore une bonne heure, puis épicer, ajouter le poulet et le poisson fumé découpé en morceaux, les crevettes. Vérifier l’assaisonnement et laisser cuire 15 minutes supplémentaires. Éteindre ensuite le feu et laisser reposer avant de déguster.
Le bouillon d’awara se mange avec du riz blanc et bien sûr du couac, farine de manioc très prisée ici. Et on oublie pas le petit piment rouge qui relèvera ce plat.