Présentation
Plante originaire d’Amazonie le cacaoyer est rapidement intégré au monde agricole et culturel des sociétés amérindiennes dans lesquelles les fèves contenues dans ses cabosses connaissent des nombreux usages, du nord de l’Amérique du sud jusqu’aux terres basses de l’Amérique centrale et du sud du Mexique.
Le cacao est également associé aux événements les plus importants de la vie. Du rite de passage à la puberté (au cours duquel les corps des jeunes garçons étaient enduits d’un mélange d’eau, de poudre de cacao et de pétales de fleurs) jusqu’aux demandes en mariage et aux cultes du Dieu des marchands, le cacau et le chacau haa sont partout au cœur de la civilisation maya, et sa mention est fréquente dans les nombreux Codex.
C’est au cœur du Couvent carmélite d’Oaxaca que serait née la boisson chocolatée dans sa version douce et sucrée. Appelée alors « Délice d’Oaxaca », les Religieuses auraient remplacé le piment et le maïs par du miel, du musc et de l’eau de fleur d’oranger. Cette nouvelle recette, débarrassée de son amertume d’origine, est un triomphe d’abord en Nouvelle-Espagne (dès le XVIème siècle) puis en Europe. Le miel est ensuite remplacé par le sucre qui était produit sur place.
Les mariages royaux, les réseaux religieux et les échanges commerciaux participent à diffuser ce nouveau mets qui conquiert rapidement les hautes sphères des sociétés européennes.
Cette nouvelle mode requiert alors l’extension de la culture du cacaoyer et des grandes plantations sont créées au cours de l’expansion de l’Empire espagnol. Elles étaient toutes basées sur le travail forcé des Amérindiens soumis au système des Encomiendas.
C’est une institution espagnole qui avait été pratiquée en Espagne pendant la « Reconquête » sur les Musulmans et qui a été mise en place en Amérique lors de sa colonisation. Elle permettait à un conquistador de recevoir de la Couronne « autorité » sur un certain nombre de villages et d’Indiens dont il pouvait utiliser le travail en échange de leur évangélisation et de leur assimilation à « l’ordre espagnol ».
Ce système est très vite devenu en fait une forme d’esclavage qui a conduit à l’anéantissement des populations et des cultures amérindiennes.
Tout au long du 17ème siècle, le cacao représente une part importante du commerce maritime espagnol autour duquel rodent les pirates hollandais et britanniques.
L’intensification de l’attrait pour la boisson cacaotée entraîne ensuite d’importants changements. Dans les régions de production existantes la main d’œuvre amérindienne qui a malheureusement été décimée est remplacée par des esclaves africains souvent achetés contre des fèves de cacao. Des nouvelles plantations voient le jour.
En 1655, les Anglais décident d’encourager la culture du cacaoyer dans leur colonies en particulier à la Grenade.
Peu de temps après, les Français s’intéressent aussi à la création de plantations en Martinique, où le cacao aurait déjà été introduit par un marchand juif portugais, Benjamin Dacosta, aux alentours de 1660, d’après le père Jean-Baptiste LABAT. Le tremblement de terre qui frappa l’île en 1727 détruisit une grande partie de ces arbustes très fragiles, mais malgré cette catastrophe la culture du cacao ne disparaît pas de l’île (et s’étend même en Guadeloupe puis en Guyane dès 1730). Elle se retrouvera cependant souvent supplantée peu à peu par la culture de la canne à sucre qui est beaucoup plus résistante.
Les Anglais remplacèrent aussi une majorité des plantations de cacao à la Grenade par la culture de la noix de muscade car les plantations ont souvent souffert des conditions climatiques changeantes et des cataclysmes naturels fréquents dans les Antilles.
Le 19ème siècle va entraîner beaucoup d’avancées et de bouleversements dans la fabrication du chocolat. Le traitement de la pâte de cacao passe du stade artisanal au stade industriel. Des grandes dynasties industrielles voient le jour aux quatre coins de l’Europe, les formes de présentations et de dégustations se multiplient.
Seuls les Etats-Unis, conquis par la fièvre du chocolat grâce aux colons anglais, continuent un temps à utiliser du cacao en provenance des cultures antillaises pour la fabrication de leurs célèbres barres chocolatés du fait de leur proximité.
Dans les Antilles la production du fameux cacao « criollo » a beaucoup diminué du fait de la trop forte concurrence de la production industrielle mondiale. Il représente moins de 3% de la production mondiale mais il jouit d’une excellente réputation de qualité et il est utilisé par les plus grands Maîtres chocolatiers, surtout en France métropolitaine.
En Martinique le cacao est encore produit par une quinzaine de petits producteurs mais sa culture est devenue une activité secondaire car elle est peu rentable. Avec sa production locale de chocolat noir en tablette sous la marque Elot, la société Girard est aujourd'hui le seul producteur industriel de chocolat à la Martinique. Avec un cacao endémique, l’amelonado, appelé « Créole de Martinique », la région cherche à faire reconnaitre sa fève par une AOC, ce qui permettrait d’en relancer la production.
L’association Valcaco tente de développer une filière d’exception structurée en regroupant les différents acteurs locaux et en faisant la promotion de techniques agroécologiques sans aucune utilisation de produits phytopharmaceutiques. Il existe trois variétés de cacao : le criollo, le forastero et le trinitario.
En Guadeloupe la production de cacao a été une des premières richesses de la Côte sous le vent, mais elle a été anéantie en 1928 par l’un des plus violents cyclones de son histoire, avec des vents de plus de 230 km/h. Il a tout détruit et fait près de 1500 morts.
Lors de la reconstruction des îles sinistrées la culture du cacao a été remplacée par d’autres plus rémunératrices. Certains artisans transforment encore cependant les fèves locales en chocolat, essentiellement vendu en vente directe sous forme de bâtons de kako. Ce chocolat traditionnel peut être consommé râpé dans de l’eau chaude et accompagné d’épices comme la cannelle, la vanille ou la muscade
A Sainte-Lucie la fabrication du chocolat tient encore une place de choix dans sa stratégie de développement car sa valorisation est très liée à la nouvelle activité touristique de l’île. A la fermeture des plantations, des maisons de Maîtres ont été recyclées en hôtels ou locations touristiques individuelles.
Conscients du potentiel de ce produit très attractif et intimement lié à son histoire locale, des restaurants et des spas, le valorisent aussi. Le chocolat est même devenu un ingrédient phare de la gastronomie de l’île.
Le bâton de Kako antillais est également une tradition gastronomique très ancienne : après leur séchage les fèves obtenues sont grillées avant d’être pilées. On obtient une pâte grasse qui est façonnée à la main en bâton en la roulant sur elle-même. Après avoir séché à l’air libre de façon à conserver sa forme conique, le bâton de kako est emballé avant de servir à la préparation du fameux chocolat chaud des Antilles.
Parmi les sources consultées
Le chocolat et son histoire, Elisabeth de CONTENSON, Archives&Culture, 2010
Histoire du Chocolat, Nikita HARWICH, Ed. Desjonqueres, 2008
Chocolat. De la boisson élitaire au bâton populaire XVI-XXe, Ouvrage collectif, 1996
Généalogie du chocolat, Sophie D. COE et Michael D. COE, Tempo, 1998
Le Chocolat. Histoire, anecdotes et recettes, Vincent DALLET et Serge GUERIN, Ed Du coq à l’âne, 2006
Traités nouveaux et curieux du café, du thé et du chocolat, ouvrage également nécessaire aux Médecins et à tous ceux qui aiment leur santé, Philippe Sylvestre Dufour, 1685
Disponible sur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k855985n?rk=21459;2
Le cacaoyer et sa culture, Lecomte et Chalot, 1897
Disponible sur :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30414078/f15.image.r=le%20cacaoyer%20et%20sa%20culture
Histoire des choses de la Nouvelle-Espagne, Bernardino de Sahagun
Disponible sur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56006542/f13.item.r=Quezalcoalt